L’affaire de l’usine Alstom de Belfort est emblématique de la conduite actuelle des affaires de l’Etat, dominée par la précipitation, l’esprit de défausse et le court-termisme. Une fois encore, nous voyons le gouvernement intervenir en mode panique, dans une logique de brancardier dont nous savons tous qu’elle ne mènera nulle part.
Il est légitime pour l’Etat de se préoccuper du risque de fermeture d’un site industriel historique d’un groupe dont il détient au surplus une participation de 20%.
Mais la solution, à laquelle travaille le gouvernement sur instruction du président de la République, est l’exact contraire de ce qu’il faut faire. Il tente aujourd’hui de tordre le bras aux entités qui dépendent de la puissance publique, en commençant par la SNCF ou la RATP, afin qu’elles passent « un certain nombre de commandes en France, (…) pour assurer le plan de charge qui permettra de sauver les activités ferroviaires d’Alstom à Belfort».
Cela permettra, dans le meilleur des cas, de gagner un peu de temps et de passer le mistigri au gouvernement suivant. Mais ce sont, dans le même, les capacités d’investissement des entités mobilisées qui seront sacrifiées et leur santé financière future qui sera menacée. L’exemple du sabotage de ce qui constituait la filière électrique / électronucléaire française avec EDF, Areva et Alstom montre les ravages de ce type de mécano réalisé sans réflexion prospective, ni vision d’avenir. Et contrairement aux discours de certains, Alstom n’a jamais été sauvée depuis 12 ans, mais progressivement dépecée dans l’indifférence de pouvoirs publics dépassés.
L’intervention, en pompier inefficace, de l’Etat nuit enfin à son autorité et à sa crédibilité. Les affaires à la Florange ou à la Belfort témoignent, sur ce terrain aussi, de son impuissance et le rendent otage de dirigeants de groupes industriels qui ont bien compris l’intérêt de glaner quelques commandes publiques supplémentaires dans le cadre de la campagne présidentielle.
Nous devons sortir de ce jeu perdant pour la France, pour l’Etat et pour tous les Français !
La seule priorité du gouvernement devrait être de créer les conditions d’une compétitivité durable des sites industriels d’Alstom et d’un positionnement stratégique du Groupe assurant sa pérennité et son avenir.
Aucune société, même publique, ne peut longtemps perdurer si elle n’est pas compétitive : c’est aujourd’hui la première responsabilité de l’Etat d’y contribuer en réduisant le poids de cotisations sociales et des prélèvements fiscaux qui handicapent les groupes français par rapport à leurs concurrents étrangers.
La seconde responsabilité de l’Etat est de mettre en place un schéma clair de dépenses d’infrastructures, d’aménagement du territoire et d’investissements stratégiques dans les filières définies d’avenir, qu’elles soient technologiques, digitales, industrielles, énergétiques, environnementales, bio-agricoles, marines, ou autres permettant à notre pays de se doter des meilleurs atouts et à nos groupes de positionner leur offre commerciale de la façon la plus efficace. L’industrie ferroviaire a toute sa place dans ce dispositif, avant tout autre système d’intermodularité ou d’autocars à la Macron…
La troisième responsabilité de l’Etat est, lorsqu’il est actionnaire d’une société publique ou privée, de jouer professionnellement son rôle et d’assumer ses responsabilités. Au moment même où Jérôme Cahuzac est jugé pour ses mensonges fiscaux, il est inacceptable de voir les plus hautes autorités du gouvernement tricher une nouvelle fois avec la vérité sur la véritable information qu’elles avaient reçue concernant la situation et l’avenir du site Alstom de Belfort.
Après une décennie de bérézina industrielle et la fragilisation ou la destruction accélérées de certains de nos plus beaux fleurons d’EDF à Areva, en passant par Alcatel, Alstom, Lafarge, Rhodia et bien d’autres, il est urgent de mettre en œuvre une nouvelle politique industrielle visionnaire, ambitieuse et réaliste. C’est la condition de l’emploi, de la prospérité et de l’indépendance future de la France !