La décision, annoncée jeudi par le ministre de l’Education nationale de renoncer à l’organisation des oraux du bac de Français consacre la descente aux enfers du système scolaire français à l’occasion de la crise sanitaire. Pendant toute la période de confinement, l’école a, loin de tenir, lâché, au détriment de tous les élèves qui ont perdu plus d’un tiers de leur année scolaire. Plus fondamentalement, les choix gouvernementaux ont désacralisé l’école, qui a été privée de sa nature obligatoire et dont la fonction éducative a été considérée subalterne.
Alors que le retour de tous les élèves à l’école aurait dû constituer une priorité essentielle, l’exécutif a préféré baisser les bras devant l’opposition des syndicats enseignants et celle des élus locaux, auxquels il a donné un cahier des charges impossible à tenir. Le président de la République s’est désintéressé du sujet, privilégiant la préparation du remaniement gouvernemental et les jeux politiciens de l’après. Plutôt que le choix de la jeunesse, le pouvoir a préféré faire celui des adultes.
Si le système scolaire a autant failli, c’est qu’il était mal préparé. Au-delà des plans à plusieurs milliards ou dizaines de milliards maintes fois annoncés, les établissements ne disposaient pas des équipements informatiques nécessaires, ni les professeurs des formations adéquates. Les établissements ont aussi été victimes d’investissements insuffisants et de choix erronés. En réduisant le nombre de toilettes et de postes de lavage de mains, comme la taille des cours de récréation, les responsables de l’Education nationale ont rendu très difficile la pratique des gestes protecteurs au sein des établissements. Nous devons tirer tous les enseignements de ces erreurs et mettre un terme aux errements de la période récente.
Il y a urgence à remettre l’école au centre des priorités de la République. Toutes les dernières études ont montré que les enfants et les adolescents sont très peu exposés aux risques du Covid-19 et en sont très peu porteurs. Les premières semaines du déconfinement en Europe et en France ont également confirmé que la rentrée s’était très bien passée, sans risque pour les élèves, ni pour leurs enseignants, et que les enfants étaient très heureux d’avoir pu reprendre le chemin de l’école.
Inversement, l’école à distance mise en place pour la majorité des élèves depuis mars n’a pas été à la hauteur de la situation. Tous les parents peuvent en témoigner. Elle s’est résumée, dans la majorité des cas, à l’envoi d’emails, de documents et de devoirs à faire, la dimension pédagogique disparaissant presque totalement. Le fait même que l’Education nationale ait demandé aux enseignants de ne pas tenir compte des notes attribuées pendant la période d’école à distance, à l’exception de celle de l’assiduité, illustre le peu de considération que les autorités accordent à l’enseignement professé à distance.
Au cours des trois derniers mois, ce sont les seules fonctions sociales et de garde de l’école qui ont été considérées par nos dirigeants politiques. Leurs décisions ont été mesurées à l’aune des problématiques de garde pour les parents devant se rendre à leur travail et de décrochage accéléré pour les élèves les plus défavorisés et ceux des zones de non-droit. La dimension d’enseignement et d’instruction a été jugée secondaire. Le fait même que l’exécutif ait décidé de rendre l’école facultative, à l’option des parents, constitue un terrible renfoncement par rapport au progrès qu’a constitué la mise en œuvre de l’école obligatoire depuis Jules Ferry il y a près de 140 ans.
Il convient de rétablir l’école dans sa mission fondamentale d’instruction pour tous les enfants de la République. Cette mission est centrale. Elle est essentielle. La correction des inégalités et la sortie du décrochage viennent après, car la meilleure manière de les assurer est d’offrir à tous les élèves un enseignement de qualité, leur permettant de progresser et d’accéder aux meilleures études supérieures et aux meilleurs métiers.
Cela suppose de remotiver les enseignants. Une partie d’entre-eux ont préféré se mettre aux abris plutôt que d’assurer leur mission éducatrice. Si leur peur pouvait se comprendre au regard des messages alarmistes du gouvernement, elle a donné un très mauvais exemple aux élèves. Il est urgent de rectifier le tir et de redonner leur fierté, ainsi que leur motivation aux professeurs, tout en restaurant leur crédibilité auprès des élèves.
Après trois mois de dysfonctionnement, le système scolaire est à terre. Comme la majorité des services publics, l’école a failli, victime de la démission des chefs. Il est prioritaire de la reconstruire et de lui redonner toute la place qu’elle n’aurait pas dû perdre. La formation et l’avenir de notre jeunesse sont en jeu et avec eux l’avenir de la France.