Depuis plus d’un an que notre pays vit, comme le reste du monde, sous l’actualité de la crise sanitaire, notre démocratie a beaucoup régressé. Elle est passée de démocratie à part entière à démocratie défaillante dans le classement mondial dressé par The Economist au regard des cinq critères de processus électoral, pluralisme, libertés civiques, fonctionnement du gouvernement et participation politique. Ce recul n’est pas inéluctable, puisque d’autres pays, comme Taïwan, ont continué à progresser. Encore faut-il que nous en prenions les moyens !

Redresser la démocratie française impose d’abord de respecter le calendrier électoral. Autant il eut fallu reporter le scrutin municipal de mars 2020, qui n’assurait pas la sécurité sanitaire des votants, ni des personnes mobilisées pour l’organiser et qui avait du coup été boudé par les électeurs responsables, autant plus rien ne justifie de retarder les nouveaux scrutins. Nous disposons de tous les moyens nécessaires pour les organiser dans des conditions responsables. Toutes les autres démocraties parviennent à respecter les échéances électorales. L’argument sanitaire ne doit pas être utilisé par le parti présidentiel pour éviter le jugement des électeurs. C’est la responsabilité de tous les démocrates de se battre pour que les scrutins se tiennent dans le calendrier prévu. La démocratie nationale ne doit plus continuer à être confinée.

Redresser la démocratie française implique ensuite de restaurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Plus rien ne justifie le maintien de l’état d’urgence sanitaire, ni d’aucun état d’urgence. Après plus d’un an d’expérience du coronavirus et de ses variants, les pouvoirs publics disposent de tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité de tous dans le cadre de l’Etat de droit et le respect des libertés fondamentales. Nos gouvernants ne doivent ni s’habituer, ni habituer les Français, à vivre en dehors du cadre constitutionnel et des principes fondamentaux de notre droit. Maintenir l’urgence sonne comme un aveu d’échec pour un pouvoir public incapable de gouverner sans la béquille des mesures d’urgence. Subordonner la fin de l’état d’urgence à l’atteinte de l’immunité collective, comme l’a déclaré le ministre des Relations avec le Parlement jeudi dernier, revient à rendre les Français tributaires, dans leurs libertés et droits fondamentaux, des turpitudes de l’exécutif et de son incapacité  à gérer efficacement la crise sanitaire.

Redresser la démocratie française suppose également de rétablir une vie parlementaire digne de ce nom. Assemblée nationale et Sénat en sont malheureusement loin. Nos parlementaires travaillent depuis treize mois dans des conditions dégradées, qui ne leur permettent pas d’exercer leur fonction de contrôle dans un cadre approprié. Le débat sans vote, qui s’est tenu mercredi 24 à l’Assemblée sur le suivi de la crise sanitaire, a constitué une nouvelle illustration du naufrage de notre vie parlementaire. La plupart des députés ont d’ailleurs préféré le déserter, considérant qu’il y perdait leur temps. C’est un signal d’alarme supplémentaire. La démocratie s’use quand on ne s’en sert plus.

Redresser la démocratie française, c’est enfin modifier en profondeur notre système judiciaire et établir une séparation des pouvoirs digne de ce nom.  Conseil constitutionnel et Conseil d’Etat ont validé, depuis douze mois, des textes fondamentalement liberticides. Ils n’ont pas été à la hauteur de la mission de gardiens des libertés publiques que leur confient nos institutions. Les juridictions de l’ordre judiciaire ont mieux joué leur rôle. Nous devons en tirer les conséquences et modifier nos institutions pour que les citoyens puissent bénéficier des protections qu’une démocratie du XXIème siècle doit leur assurer.  Près de trois siècles après la publication de l’Esprit des lois, il est temps de retenir les leçons de Montesquieu

Après treize mois de crise sanitaire et neuf années de crise démocratique marquée par la répétition de crise et le recours immodéré à l’état d’urgence, il nous appartient de reconstruire la démocratie française pour la sortir de l’ornière actuelle et lui donner l’avenir qu’elle le mérite. C’est ainsi que nous honorerons la mémoire de tous ceux qui se sont  battus pour notre liberté et que nous assurerons la grandeur de la France !

lfm_2016