Chers Amis,
Je souhaite à mon tour rendre hommage à Jacques Chirac. L’annonce de sa disparition a suscité une émotion immense et une reconnaissance unanime dans laquelle communie notre nation. Elles sont la meilleure expression de l’aspiration de notre peuple à une unité et une humanité retrouvées.
S’il a retardé des réformes indispensables, Jacques Chirac a toujours été attentif à la préservation de la cohésion sociale, à rester proche des Français, dans toutes leurs composantes et partout sur le territoire, et à défendre les valeurs qui font la grandeur de notre pays. En refusant de céder aux pressions et de participer à la guerre du Golfe, en se saisissant de la question environnementale et en rejetant toute alliance avec le Front National., il a su mener les combats justes et placer la France du bon côté de l’histoire.
Emmanuel Macron a raison de s’associer à la peine de la nation. Mais ne nous méprenons pas. Sa façon de gouverner est aux antipodes de celle de l’ancien président. Toutes les louanges adressées à l’action de Jacques Chirac résonnent en creux comme autant de critiques de l’actuel chef de l’Etat. Les Français ne disent pas autre chose en jugeant à 79% Jacques Chirac bon président, alors qu’ils sont 67% à rejeter Emmanuel Macron. Son « en même temps » n’a rien à voir avec le « ensemble » de son prédécesseur !
Le lancement d’un nouveau débat sur l’immigration illustre toute l’ambiguïté du « en même temps ». C’est un piège dans lequel Emmanuel Macron risque de s’enfermer et d’entraîner la nation avec lui. Ce fut la grandeur de Jacques Chirac de toujours refuser de jouer avec l’extrême droite ou avec d’autres-extrêmes à des fins politiciennes.
Ce n’est pas non plus garder le meilleur de l’ancien président que de repousser une nouvelle fois à demain la maîtrise des dépenses publiques. Le projet de budget révélé hier soir et l’annonce d’un nouveau pic de dette publique à 2375 milliards d’euros ce matin témoignent du renoncement de l’exécutif après l’explosion de la crise des Gilets jaunes. Le déficit budgétaire et la dette publique vont rester à des niveaux extrêmement élevés, alors que toutes les conditions sont réunies pour reprendre la main. C’est une chance perdue pour la France et une charge supplémentaire pour nos enfants et nos petits-enfants.
L’urgence et les limites du « en même temps » sont les mêmes pour l’enjeu environnemental et climatique. Comme le confirme le nouveau rapport des experts du Giec publié mercredi, la crise est grave et mérite une réaction immédiate. Le réchauffement se déroule selon le scénario qu’ils avaient anticipé il y a 29 ans dans leur premier rapport ! La montée des océans est même plus rapide que ce qu’ils prévoyaient. Ignorer leur nouvelle alerte serait une terrible erreur.
La solution qu’ils préconisent, à savoir la réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre, ne doit pas nous effrayer. Car elle est à notre portée et constitue une formidable opportunité pour notre pays. La transition énergétique est bel et bien lancée, avec des énergies renouvelables qui deviennent enfin moins chères que les combustibles fossiles. La France avait pris de l’avance il y a quelques décennies en se dotant d’une électricité décarbonée grâce au nucléaire. Ses gouvernants devraient aujourd’hui avoir l’audace d’inventer les solutions de demain plutôt que de courir les estrades et les plateaux de télévision.
La mort de Jacques Chirac est une excellente occasion de nous souvenir de ce que nous sommes, de réfléchir à ce qui nous unit et de savoir où nous voulons aller ensemble.
Je crois profondément que nous avons tous les atouts pour relever les défis de notre temps et pour donner à la France et à l’Europe l’avenir qu’elles méritent. Car nous ne sommes pas aussi divisés que le laisse croire notre vie politique. Nous ne sommes pas aussi individualistes que veulent le faire croire les journalistes. Nous sommes collectivement plus grands que la somme de nos talents et de nos ambitions individuelles. Surtout, nous sommes et serons toujours la France, cette grande nation qui a tant apporté au monde et dont celui-ci a tant besoin !
Là est notre avenir et là est notre destin. Saisissons-le ensemble pour bâtir une France meilleure, dans la fidélité à ceux qui nous ont précédés.
Bon week-end à tous
François Vigne