Le Premier ministre a déclaré vendredi qu’il fallait regarder « ce à quoi on peut réfléchir comme contrepartie au versement obligatoire » d’aides sociales. Cédant à la démagogie, Édouard Philippe se trompe de combat et commet une erreur d’analyse. L’expérience en cours en Arkansas montre au surplus que les dommages de telles mesures sont lourds. L’enjeu pour la France n’est pas de mettre l’Etat sous condition, mais de le recentrer sur ses justes missions.
Les prestations sociales assurées par l’Etat, les collectivités locales et la Sécurité Sociale relèvent soit de l’assurance, soit de l’assistance. Assurances chômage ou assurances vieillesse par exemple sont la contrepartie des cotisations prélevées sur les Français. Il n’y aurait donc aucune justification à leur demander une contrepartie supplémentaire. La seule question pertinente est du bon niveau de cotisation, durée comprise, d’une part, et du bon niveau de prestation d’autre part.
Les prestations d’assistance ont, comme leur nom l’indique, pour mission d’aider ceux de nos concitoyens qui sont dans le besoin ou qui souffrent d’un handicap ou de toute autre difficulté de même nature. Il n’y a pas lieu non plus d’imposer de contrepartie à leurs bénéficiaires, sauf à vouloir pratiquer une double peine.
La mise sous condition de contrepartie des prestations sociales pose enfin le problème de la sanction dans le cas où le bénéficiaire faillit à réaliser la contrepartie. L’expérience en cours en Arkansas, où l’assurance santé a été placée sous condition de réalisation de travaux d’utilité collective pour les allocataires sans emploi, s’est traduite par la perte de toute couverture sociale pour 18 000 allocataires en moins de six mois. Les conséquences individuelles sont dramatiques, collectives en matière de santé publique très inquiétantes. Cela confirme, si nécessaire, qu’il serait inopportun de conditionner le bénéfice d’aides sociales à la réalisation de contreparties.
Le vrai enjeu n’est pas là. Il est de redéfinir clairement le rôle de l’Etat et de remettre à plat l’ensemble des prestations sociales pour confirmer celles qui sont justifiées et supprimer celles qui ne le sont pas ou plus. Depuis 1981, les gouvernements, socialistes en particulier ou conduits par leurs héritiers ou alliés, ont cherché à acheter les voix des électeurs et à les rendre dépendants des aides qu’ils doivent eux-même financer. La crise des Gilets jaunes démontre que ce système, savamment construit par ceux qui ont souhaité ainsi assurer leur réélection et leur maintien durable dans la vie politique, est au bord de l’explosion.
C’est pour cela qu’il est urgent d’agir pour refonder l’Etat sans renoncer aux principes de justice, d’équité et de fraternité qui font la grandeur de notre nation et le ciment de notre collectivité nationale. Continuer à ne pas le faire, nous exposerait au risque de perdre l’âme de notre protection sociale tout en conservant tous les coûts, comme viennent de le montrer les propos du Premier ministre. Ensemble, agissons avant qu’il ne soit trop tard !