Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a annoncé vendredi l’expérimentation d’un tribunal criminel sans le jury populaire des assises, dans le cadre de la réforme annoncée de la justice.
La compétence de ce tribunal criminel serait de juger des crimes passibles de quinze ou vingt ans d’emprisonnement, en particulier les viols, coups mortels ou autres vols à main armée. Les cours d’assises verraient alors leur compétence limitée aux meurtres et assassinats, dont les auteurs sont passibles d’une peine de plus de vingt ans de prison.
C’est une mauvaise réforme, qu’il faut refuser. Il y a certes urgence à améliorer le fonctionnement de la justice française et à réduire drastiquement les délais d’audiencement. Cela nécessite des moyens supplémentaires, en particulier pour l’instruction et la digitalisation des traitements, qui constituent les véritable goulots d’étranglement.
Pourtant, si la recherche de l’efficacité est légitime, elle ne saurait justifier la remise en cause de nos principes fondamentaux et les droits des prévenus à un juste procès.
Depuis 1790, la justice se rend au nom du peuple français. Il en est d’ailleurs de même dans les autres grandes démocraties. Il a été accepté une délégation de pouvoir au bénéfice de magistrats professionnels pour les contraventions et les délits, c’est-à-dire pour les faits les moins graves. On ne peut pas l’accepter pour les crimes. L’exception des actes terroristes est justifiée par le risque de pressions sur les jurés. Elle ne saurait être étendue.
L’enjeu des condamnations est trop grave pour être délégué et perdre la légitimité de l’onction populaire. La présence de jurés-citoyens offre aussi l’avantage d’éviter l’entre-soi, ainsi que le risque de condamnation d’habitude. Il est par ailleurs probable qu’un magistrat professionnel aurait plus de difficulté à remettre en cause le dossier construit par un juge d’instruction, lui-même juge professionnel.
C’est pour cela qu’il faut maintenir inchangé la compétence des cours d’Assise. Il en va de la protection de nos libertés fondamentales et de l’avenir notre démocratie. Dans un pays où la séparation des pouvoirs reste un combat quotidien, c’est notre responsabilité commune d’éviter une remise en cause progressive et insidieuse de nos valeurs fondamentales qui font la force et la grandeur de notre nation.
Comme le proclame l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, « toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » et c’est à nous tous, citoyens français, d’y veiller comme à un trésor.
Si des changements profonds doivent intervenir, c’est dans les moyens de la justice, en hommes et femmes et en moyens, notamment digitaux, qu’il faut renforcer en réalisant les économies nécessaires au sein des services administratifs de l’Etat.
C’est ainsi que nous doterons notre pays d’une justice plus efficace, plus moderne, plus juste aussi, digne de la France, de son histoire et de ce à quoi sa jeunesse aspire.