Plus personne n’ignore que les dépenses publiques atteignent 57% de notre PIB. Mais très peu de Français savent que, sur cette masse, les dépenses régaliennes, à savoir celles de la défense, de la diplomatie, de la justice et de la police, ne dépassent pas, toutes confondues, 2,8% de ce même PIB !
Les chiffres étaient respectivement de 35% et 6,5% en 1960 et de 49,5% et 4,5% en 1990. Le mouvement est diabolique. L’Etat providence, devenu cannibale, est en train de dévorer l’Etat régalien. Les lettres plafonds envoyées par Bercy aux différents ministères début juillet ne modifient pas la tendance.
Au rythme actuel, l’Etat régalien aura disparu d’ici 2050. L’ensemble de ses moyens auront été absorbés par la grande lessiveuse des dépenses administratives de fonctionnement et des transferts sociaux. Certains, comme l’ex-ministre Hervé Morin, suggèrent déjà d’abandonner de nouvelles compétences militaires, comme la composante aérienne de notre force nucléaire nationale, plutôt que de dégager ailleurs dans les dépenses publiques les moyens nécessaires pour la préserver !
La cause du mouvement d’atrophie de l’Etat régalien est double. Elle tient d’abord à la professionnalisation de la vie politique. Avec le clientélisme qui l’accompagne, elle transforme les citoyens en consommateurs et les élus en prestataires de services. Pour être réélus et faire carrière, les responsables politiques doivent n’adopter aucune mesure susceptible de mécontenter leurs clients-électeurs et offrir toujours plus.
Dans le même temps, les agents des fonctions régaliennes (militaires, fonctionnaires de police, juges ou diplomates), ont, pour leur grande majorité, l’obéissance chevillée au corps. Ils exercent si peu, quand ils l’ont, le droit de grève qu’il est facile de leur faire accepter de nouvelles ponctions. Et l’on n’a jamais vu les Français descendre dans la rue pour demander plus de moyens pour leurs soldats, diplomates ou magistrats et si rarement pour leurs policiers !
L’Etat régalien est pourtant la pierre angulaire de notre démocratie et de notre contrat social. Il est cette structure à laquelle les Françaises et les Français remettent le pouvoir de les défendre et de les protéger, cette autorité qui les dépasse et qui les unit. Les missions de toutes les autres administrations non régaliennes pourraient être exercées par des opérateurs privés, y compris dans l’enseignement ou la santé comme le montre l’exemple des écoles libres ou des cliniques. Mais il n’y a pas, et il ne peut y avoir, dans un Etat de droit, d’armée privée, de police-milice privée, de justice privée ou de diplomatie privée.
De plus, la capacité militaire et diplomatique est essentielle au maintien de la puissance de la France et de son rayonnement. Sans elle, la France n’aurait plus aucune légitimité à conserver un siège au Conseil permanent de l’ONU, ni à exercer son influence particulière. Cette puissance, ressuscitée par le général de Gaulle, est notre bien commun. Elle nous porte au-delà de nous-mêmes. Il nous revient d’en assurer la pérennité.
Le jour où le défilé du 14 juillet ne sera plus assuré que par une armée de personnels administratifs des trois fonctions publiques d’Etat, territoriale et hospitalière, il est clair, malgré tout le respect que nous pouvons leur porter, que le prestige et l’autorité de la France auront vécu.
Il ne s’agit pas d’exclure l’armée, la diplomatie, la justice et la police de l’effort d’optimisation des moyens applicable à l’ensemble des administrations. Elles doivent, comme les autres, améliorer sans cesse leurs conditions de fonctionnement et leur efficacité.
Mais il n’est plus possible de couper dans les ressources de nos services régaliens. Il faut au contraire inverser la tendance et augmenter leurs moyens budgétaires en concentrant l’effort de réduction des dépenses publiques sur les autres administrations. C’est la condition du maintien de notre indépendance, de notre souveraineté et de notre liberté.
La fin de l’Etat régalien signifierait celle de la France. Il est grand temps de le sauver !
François Vigne
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