Chers Amis,
Il faut donner sa chance au Grand débat. Certes, 29% des Français seulement entendent y participer et 67% considèrent qu’il va échouer. Mais la crise est trop profonde, la violence trop menaçante, les conséquences économiques trop importantes pour courir le risque que cette démarche, malgré ses faiblesses et ses incertitudes, échoue. C’est à nous tous d’agir pour que le Grand débat permette à notre peuple de trouver le chemin de la réconciliation nationale, du retour à la confiance dans nos institutions et de la foi renouvelée dans son grand destin national et européen.
Le bilan des trois derniers mois de crise est lourd : 10 morts, des centaines de blessés, des dégâts matériels considérables, de redoutables répercussions en matière de croissance, d’emploi, de comptes et de dette publics, une profonde remise en cause de la légitimité des pouvoirs publics et de la capacité des forces de l’ordre à assurer la sécurité de tous, ainsi qu’une image considérablement dégradée de la France aux yeux du monde entier.
Surtout, les tensions qui se sont développé entre les Gilets jaunes et les forces de l’ordre, et plus largement entre différentes catégories de Français, ont créé des plaies immenses qui ne sont pas refermées. Le fait que 52% des Français souhaitent toujours la poursuite du mouvement en atteste. C’est pour cela que nous devons tout faire pour mettre fin à ce climat de violence haineuse, dont l’assassinat du maire de Gdansk en Pologne dimanche dernier a montré qu’il pouvait rapidement devenir fatal.
Il faut être clair. La crise des Gilets jaunes n’est pas d’abord une crise sociale. C’est une crise politique, la crise d’un pouvoir trop sûr de lui, trop centralisateur, trop dominateur et trop isolé qui a provoqué la coagulation des mécontentements et l’éruption de frustrations jusque-là latentes.
Le Grand débat ne résoudra pas tout. Si beaucoup des 35 questions sont intéressantes, la nature très ouverte de nombre d’entre-elles rendra difficile d’y apporter une réponse claire. Et il est bien sûr cocasse de voir le chantre du pouvoir vertical se muer en apôtre de l’horizontalité et demander aux Français de définir sa politique. Mais le débat national sera utile dès lors qu’il permettra aux Français de retrouver le chemin du dialogue et de la concorde, comme à l’exécutif de renoncer à son arrogance et au centralisme pour lui préférer la recherche du bien commun.
Pour que le débat réunisse, encore faut-il que le pouvoir donne les garanties d’impartialité et de neutralité nécessaires, ce qui reste à faire. Pour éviter qu’il n’apparaisse comme une manœuvre ou une duperie, il faut aussi que le président et son gouvernement stoppent la machine aux réformes folles, comme celle recommandée par la mission parlementaire sur la loi de bioéthique dans son rapport publié mardi.
L’expérience des trente dernières années témoigne des brèches immenses qu’ont créées, en matière d’intégration, au cœur de notre société et de nos banlieues, la duplication paresseuse de schémas communautaristes importés des États-Unis, d’Angleterre ou d’ailleurs, au nom d’une soi-disant modernité. Nous voyons également, quatre ans après leur entrée en vigueur, les ravages des mesures anti-familles, décidées par François Hollande et maintenues depuis, sur la natalité.
Le piteux effondrement du système de pouvoir vertical et d’éviction des corps intermédiaires tenté par Emmanuel Macron confirme aussi, un an après l’adoption des ordonnances Travail, que son développement dans les entreprises, dans le cadre par exemple du référendum d’entreprise, serait une erreur complète qui les conduirait à l’échec.
Il est urgent dans ces conditions de retrouver la hauteur de vue et le bon sens indispensables pour assurer le redressement de la France. Il faut aussi que l’exécutif se concentre, sans attendre la fin du Grand débat, sur la priorité absolue, à savoir la reconstruction de l’Etat. Les derniers développements de l’affaire Benalla, et l’incapacité confirmée de l’Elysée, à assurer le contrôle des outils que la présidence remet à ses collaborateurs, la lenteur du gouvernement à mettre en place la nouvelle gouvernance de Renault, ou l’erreur de calcul à 1,5 milliard d’euros sur les droits de succession de 2017, révélée mercredi par la Cour des comptes, sont des nouveaux témoignages de la profondeur de la crise étatique.
Dans ce contexte fou où beaucoup de dirigeants internationaux jouent avec le feu et veulent affaiblir la France comme l’Europe, il est essentiel que notre nation retrouve un État digne de ce nom, un État qui fonctionne, un État qui assure la sécurité de tous, un État qui ne soit pas tentaculaire et un État qui coûte moins cher à tous les Français, un État aussi et surtout qui assure l’avenir et la grandeur de la France. La tâche est ambitieuse, elle est vaste. Elle conditionne aussi la réussite de notre pays et l’amélioration du pouvoir d’achat de chacune et de chacun. C’est pour cela qu’elle est prioritaire.
Comme l’a souligné jeudi le président de la Cour des comptes, « les circonstances actuelles imposent, non pas de freiner, mais d’accélérer et de concrétiser l’indispensable démarche de transformation de l’action publique, pour un service public plus performant encore ».
Je veux à cet égard rendre un profond hommage au caporal-chef Simon Cartannaz et au première classe Nathanaël Josselin, les deux sapeurs-pompiers de Paris décédés samedi dernier rue de Trévise en protégeant la sécurité de leurs concitoyens. Leur sacrifice illustre la force et la beauté de ce que peut être et de ce que doit rester le service public.
Dans le respect de leur mémoire, je vous souhaite à toutes et à tous un excellent week-end.
François Vigne
Président de la France en marche