Comme c’était prévisible, il n’y a qu’un seul vainqueur au soir du second tour des municipales  : l’abstention. Et il y a deux vaincus : le parti présidentiel et la République. Emmanuel Macron et sa majorité sortent en effet laminés de ce scrutin. Ce sont leurs échecs que les électeurs ont voulus sévèrement sanctionner. La démocratie française sort également très abîmée de cette élection, que le pouvoir aurait dû reporter, 1er et second tours, à l’automne ou dès que les conditions sanitaires l’auraient permis. Jamais des maires et des conseils municipaux n’avaient été élus dans notre pays avec un si faible soutien populaire.

Ce sont donc des exécutifs municipaux mal élus et peu légitimes qui vont conduire l’action publique dans les communes pendant les six prochaines années, ce qui n’est pas sain pour notre pays. Plus fondamentalement encore, le président, son Premier ministre et leur équipe ont abimé le lien entre les Français et le scrutin municipal. Il était jusque-là, avec l’élection présidentielle, le rendez-vous électoral pour lequel la participation était la plus forte. En conduisant les électeurs à déserter le suffrage municipal, l’exécutif a créé un dangereux précédent, dont le poison lent risque de se maintenir longtemps dans le corps électoral.

C’est d’autant plus inacceptable que cette défaite de la démocratie française était prévisible et que seules de mauvaises raisons ont guidé le pouvoir dans sa décision de maintenir le premier tour des élections municipales, puis d’organiser le second ce week-end. C’est parce que le président de la République voulait atténuer l’impact de cet échec électoral et passer à autre chose, et que le Premier ministre souhaitait mettre derrière lui au plus tôt son élection au Havre, que les deux têtes de l’exécutif ont effectué ce choix dommageable pour la France.

Dans ces conditions, il est essentiel qu’ils ne renouvellent pas la même faute pour le scrutin régional à venir en mars 2021. Tout confirme que le président de la République souhaiterait le repousser d’un an pour ne pas connaître un nouvel échec électoral avant l’élection présidentiel de 2022. L’alibi serait que les exécutifs régionaux doivent se concentrer sur la mise en œuvre du plan de relance annoncé pour la rentrée… Un même motif aurait imposé le report de l’ensemble des élections municipales à la rentrée, les exécutifs municipaux devant avoir pour priorité de se concentrer sur le déconfinement et la sortie de la crise sanitaire…

Au contraire, rien ne justifie aujourd’hui de jouer avec la démocratie et le vote populaire en décidant de reporter les élections régionales. Il y a à espérer qu’aucun nouvel épisode de crise sanitaire incontrôlée ne l’exigera au printemps prochain. L’attachement à la République, le sens de l’Etat et le respect des électeurs ordonnent de respecter le calendrier des élections régionales tél qu’il est organisé par nos institutions.

La démocratie est un bien trop précieux pour être soumis au bon vouloir des gouvernants et faire l’objet de leur jeu. Aujourd’hui, c’est notre devoir à tous de faire triompher l’intérêt de la France et de la République sur celui des dirigeants du moment, comme cela aurait dû être le cas pour le scrutin volé des municipales

lfm_2016