Après le Brexit, réinventons l’Europe : www.latribune.fr/opinions/tribunes/apres-le-brexit-reinventons-l-europe-581882.html

Les Britanniques ont tranché. Ils ont malheureusement décidé hier de quitter l’Union et de faire le choix du repli sur soi.

Ceux qui croient que la sortie de la Grande-Bretagne de l’Europe pourrait constituer un choc salutaire se trompent. Il faudrait pour cela que la France et l’Allemagne soient capables de prendre conjointement une initiative majeure donnant à l’Europe une nouvelle dynamique. Mais il n’y a pas aujourd’hui, à la tête de la France, le leadership et la volonté nécessaires. Et la perspective des prochaines élections françaises et allemande contribuera à paralyser un peu plus nos dirigeants.

Le non anglais à l’Europe ouvre donc une période de grande incertitude et risque d’accélérer son affaiblissement. Dans ces conditions, il nous revient de réinventer l’Union pour lui donner un avenir à partir de trois principes essentiels : en finir avec les vieilles lunes, attaquer de front les faiblesses actuelles et redonner goût à l’Europe à partir de projets concrets et limpides.

Pas de saut fédéral

Nous devons d’abord en finir avec les vieilles lunes. Nous ne sommes plus en 1957. L’Europe n’est plus une idée neuve. Elle a assuré la paix, mais elle a beaucoup déçu par ailleurs. Ses peuples ne sont pas près aujourd’hui, sur le fondement de l’expérience des dernières 59 années, à envisager un saut fédéral. Et l’Europe à 28 ne peut plus fonctionner comme elle fonctionnait à 6.

Mais l’Europe n’a pas besoin d’avoir un objectif fédéral pour avoir un avenir. Nous pouvons aujourd’hui nous fixer comme projet politique commun de faire de l’Union, dans le respect des souverainetés nationales, le phare de l’humanité en termes de démocratie, de libertés publiques, de sécurité, de prospérité collective, de formation, de santé et d’environnement. Encore faut-il nous donner les moyens de cette ambition !

 Budget: que la France cesse de diverger

Il est donc largement temps d’abandonner les vieilles rengaines, totalement galvaudées à force d’être répétées, mais jamais réalisées. La convergence budgétaire en est une, l’Europe de la défense une seconde. A chaque occasion, nos gouvernants nous les ressortent. Il est pourtant clair que ni l’une, ni l’autre n’est pour demain, ce qu’ils savent très bien. La convergence budgétaire imposerait de réduire de sept points le montant des dépenses publiques françaises pour l’aligner sur le niveau moyen de l’Union. Car il n’y a pas un peuple en Europe qui rêve de subir le même poids de dépense publique et de prélèvements obligatoires que nous !  Aucune convergence ne sera donc possible avant que la France n’ait démarré l’assainissement de ses dépenses publiques et la réforme de son appareil administratif. Au vu des déclarations de beaucoup de candidats à la présidentielle, nous en sommes loin. Avant de parler de convergence, commençons par arrêter de diverger !

Le mythe d’une Europe de la défense

L’Europe de la défense, entendue au sens de la formation d’une véritable armée européenne, impliquerait, quant à elle, le transfert de la souveraineté militaire de chacun des 28 à une autorité unique dans l’Union, investie des pleins pouvoirs en la matière. Autrement, la défense européenne serait paralysée et incapable de décider avec la célérité nécessaire, comme le montrent les délais de réaction européens dans les autres domaines de compétence de l’Union. L’Europe fédérale n’étant pas à l’ordre du jour, cessons d’agiter le mythe de l’armée européenne unie pour mieux nous concentrer sur le renforcement des coopérations militaires, en termes notamment de renseignement, de matériel et d’interopérabilité.

 Protéger les frontières communes

Car c’est en décidant de regarder la réalité en face et d’élaborer des solutions efficaces aux difficultés rencontrées que nous donnerons un nouveau souffle à l’Europe.

Dans cette perspective, nous devons attaquer de front les faiblesses actuelles de l’Union ou de la zone euro et nous fixer un calendrier précis pour les résoudre. L’unification du droit de l’immigration et de l’asile est une priorité, tout comme la protection des frontières communes. Il est également clair que nous ne devons plus retarder, si nous voulons que l’euro soit autre chose qu’un souvenir, le règlement de la crise grecque, ainsi que l’organisation des transferts indispensables entre les pays les plus forts les plus faibles de la zone, dès lors que la discipline commune est respectée. La débureaucratisation de l’Union est tout aussi urgente, en commençant par la réduction du nombre de commissaires pour donner l’exemple.

 Pour une Europe, de la santé, du numérique…

Sur tous ces sujets, il est essentiel d’avancer vite. Six mois devraient être largement suffisants pour fixer les nouvelles règles et déterminer un calendrier rythmé permettant de constater qu’enfin, les choses progressent !

Il faut enfin redonner goût à l’Europe, en particulier aux jeunes Européens, par de nouveaux projets mobilisateurs, proche de leurs préoccupations. L’Europe de la santé est un premier objectif : il est temps de mettre en commun toutes nos avancées respectives, au-delà des querelles de chapelles ou de clochers, pour permettre aux européens d’accéder au meilleur système de santé mondial. L’Europe du numérique est une autre priorité pour permettre à nos peuples et  nos économies de profiter du plein potentiel du digital tout en évitant les risques de violation de la vie privée et d’appropriation indue de données personnelles. De même, décider ensemble de mettre en place un programme commun de mathématiques, de sciences physiques ou de sciences naturelles, pour tous les élèves de l’Union permettrait de faciliter les échanges et de développer une véritable Europe de la connaissance, sans remettre en cause les souverainetés nationales.

Après 30 ans d’errance européenne, nous nous trouvons aujourd’hui à un tournant de son histoire. L’heure est venue de prouver au monde entier que l’Union, avec ses valeurs de liberté, d’égalité des chances et de solidarité, peut rivaliser avec la marche en avant du monde et que ses peuples en ont le courage et la volonté. C’est en réinventant l’Europe que nous pourrons relever ce défi !

 

 

lfm_2016