Le traité d’Aix-la-Chapelle, signé aujourd’hui entre la France et l’Allemagne 56 ans après celui de l’Elysée, n’est pas à la hauteur de la situation. Apportant quelques avancées en matière de coopération transfrontalière, il constitue une réponse technocratique à un besoin de revitalisation, qui exige avant tout un nouvel élan politique.

C’est la volonté partagée de dirigeants politiques forts et visionnaires – de Gaulle / Adenauer, Giscard d’Estaing / Schmidt, Sarkozy / Merkel – qui a permis à l’amitié franco- allemande de progresser et de se fortifier. Cette dynamique manque aujourd’hui.

Depuis son élection, Emmanuel Macron a cherché à prendre le leadership européen et dammer le pion à la chancelière plutôt qu’à faire réellement progresser la coopération entre nos deux nations. Le discours de la Sorbonne est tombé à plat parce qu’il a fait abstraction de l’agenda politique de l’Allemagne et a été prononcé au moment où son exécutif, comme le reste de sa classe politique, étaient concentrés sur la formation d’une nouvelle coalition dans la foulée des élections.

De même, la posture adoptée par le chef de l’Etat dans la perspective des prochaines élections européennes, qui consiste à ostraciser les adversaires et à transformer la campagne en  affrontement sans nuance entre pro et antieuropéens, ne correspond pas à la volonté des Allemands. Au lieu d’une campagne négative, ils souhaitent faire gagner le camp des promoteurs de l’Union en mettant en avant ses valeurs, ses réalisations et ses atouts dans l’environnement mondial complexe et souvent hostile que nous affrontons.

Pour revitaliser l’amitié franco-allemande et lui donner une nouvelle dynamique, une autre approche est nécessaire, qui ne soit pas guidée par les préoccupations égotistes de nos dirigeants et leur volonté de se mettre en avant, et qui tiennent compte de nos différences. Nos traditions et nos systèmes politiques ne sont pas les mêmes. Les finances publiques, le marché de l’emploi et l’économie allemandes restent d’une santé éclatante quand les nôtres continuent à souffrir des erreurs et lâchetés politiques que nous subissons depuis trop longtemps. L’organisation de nos rapports sociaux porte aussi la marque d’une histoire et d’une culture très différentes.

C’est parce que nous serons conscients de ces différences comme des divergences d’intérêts qui substituent entre nos nations et que nous saurons développer une nouvelle ambition commune, libérée du souci de nos dirigeants de tirer la couverture à eux, que nous parviendrons à repartir de l’avant et à donner un nouveau souffle à l’amitié franco-allemande.

Il faut en particulier lui donner une nouvelle actualité auprès de la jeunesse des deux pays en promouvant fortement l’apprentissage par chacune de la langue de l’autre, ainsi que les échanges. Cela suppose aussi de réfléchir chacun de nos choix politiques fondamentaux à l’aune de cette alliance, en gardant toujours à l’esprit les préoccupations de nos frères et sœurs allemands quand les intérêts supérieurs de notre nation nous amènent à effectuer des choix différents.

Cette exigence et cette ambition sont d’autant plus nécessaires que l’isolement européen de la France, auquel a conduit la stratégie personnelle et solitaire d’Emmanuel Macron, nous place dans une position difficile. L’hostilité que nous manifestent beaucoup de nos partenaires, du nord de l’Europe à l’Italie, fait de l’amitié franco-allemande le principal levier de notre action au sein de l’Union et rend indispensable son renforcement.

L’heure n’est plus aux discours, ni aux commémorations, mais à l’action. Pour bâtir l’avenir de notre pays, construisons ensemble l’amitié franco-allemande du XXIème siècle !

lfm_2016