La décision annoncée vendredi par le Premier ministre d’organiser le second tour des élections municipales le 28 juin, sauf avis contraire du Conseil scientifique sous quinze jours à trois semaines, est une erreur. Les raisons politiques sont claires. Accélérer la fin du scrutin politique permettra au président de la République et au Parti présidentiel d’en finir avec un scrutin qu’ils ont d’ores et déjà perdu. Le Premier ministre, s’il est élu au Havre, quittera ses fonctions pour rejoindre son ancienne mairie et se reconstruire une virginité dans la perspective des prochaines élections présidentielles. Il en fera de même s’il est battu.
Face à ces intérêts politiciens, les inconvénients sont majeurs. La préparation du second tour des municipales va conduire les maires en place et les candidats détenteurs d’autres fonctions à se défocaliser de la gestion réussie de la sortie de la crise sanitaire. Elle doit pourtant constituer leur seule et unique priorité en cette période critique. Il est en particulier urgent de permettre le retour à l’école de tous les enfants. La réussite de la première phase du déconfinement montre que c’est possible. Toutes les dernières études françaises et internationales sur les modes de transmission du coronavirus et ses effets confirment également qu’il les épargne dans l’immense majorité des cas et que leur intérêt est de retrouver les salles de classe.
Il reste beaucoup à faire pour permettre la rentrée de tous les jeunes et des enfants en juin, ce qui devrait constituer la principale préoccupation des maires. La réussite du redémarrage de l’économie devrait constituer leur seule autre priorité, en assurant la réouverture au plus taux de tous les restaurants et en fournissant aux entreprises tous les moyens nécessaires, en particulier en matière de transports et de services publics, pour faciliter la reprise.
Ce qui est vrai pour les maires l’est tout autant pour les membres du gouvernement. Est-il vraiment responsable de voir le Premier ministre et plusieurs membres de son gouvernement en campagne, alors que toute leur énergie devrait être consacrée à la sortie du déconfinement et à la réussite du redémarrage de l’économie. Les enjeux sont immenses. Le Premier ministre lui-même a évoqué le risque d’effondrement national. Le sens de responsabilité aurait dû conduire le Premier ministre et ses collègues en campagne à repousser le scrutin à la rentrée de septembre. Il leur impose à défaut de démissionner de leurs fonctions pour participer à la campagne des municipales.
C’est le second inconvénient majeur de la décision gouvernementale. L’exécutif et sa majorité affirment que la crise que nous traversons est porteuse de changements radicaux. La logique est donc que la campagne municipale en témoigne et permette un vrai débat sur les nouveaux enjeux et leur impact sur la vie de nos villes et villages. La campagne escamotée qu’implique la décision gouvernementale ne le permettra pas.
Plus fondamentalement encore, toute l’élection est à refaire. Le premier tour a été vicié par l’abstention de l’ensemble des électeurs que le sens des responsabilités a conduits à s’abstenir d’aller voter à la veille de la mise sous confinement strict de la France. L’histoire leur a donné raison. Il était irresponsable d’aller voter et de maintenir le scrutin. Ce dernier leur a été volé et c’est toute l’élection municipale qui a été vicié par le taux d’abstention le plus bas qu’ait connu la Vème République. Le respect de la démocratie et de nos institutions impose d’organiser à la rentrée une nouvelle élection municipale complète, y compris pour les candidats élus au premier tour, qui sont en train d’être installés.
Enfin, annoncer que le second tour des municipales sera organisé le 28 juin, mais que sa tenue reste soumise aux aléas d’une éventuelle seconde vague d’épidémie et à l’avis du Conseil scientifique alimente le sentiment d’incertitude qui paralyse notre vie économique et empêche sa vraie reprise. Ni la campagne municipale, ni la vie nationale ne peuvent sereinement reprendre dans ces conditions, ce qui est pourtant indispensable pour remettre toute la France au travail et nous permettre de sortir par le haut de la crise actuelle.
Les deux arguments de séance mis en avant par le pouvoir pour justifier sa décision : donner le signal du retour à la vie normale et permettre le lancement de nouveaux investissements par les communes, sont faibles. C’est la réouverture complète des écoles, celle des restaurants et la remise en service complète des transports publics qui permettront aux Français de considérer que nous sommes revenus à la vie normale, pas les élections. Quant aux investissements des communes, rien n’empêche les conseils municipaux de les lancer pour ceux qui sont urgents. Les autres devront être mis en perspective de ce que rend possible la vie économique du pays, donc la reprise, et attendront sans problème la rentrée.
Prise sur de mauvais fondements, la décision du pouvoir d’organiser le second tour des élections municipales le 28 juin doit être révisée. L’intérêt des candidats et des partis, à commencer par celui d’Emmanuel Macron, ne doit pas l’emporter sur celui de la République, de la vie démocratique et des Français. Des élections municipales complètes doivent être organisées à a rentrée. C’est l’intérêt de la France et de tous ses citoyens.