Loin de l’Airbus du ferroviaire claironné par la communication gouvernementale, l’adossement d’Alstom à Slemens s’annonce comme une nouvelle défaite industrielle nationale. 

Car il ne suffit pas que deux groupes industriels français et allemand se rapprochent pour que naisse un nouvel Airbus. Le rachat, il y a dix-huit mois, de Ciments Français par HeidelbergCement n’a pas donné lieu à un Airbus du ciment, mais à une simple intégration de l’ancien fleuron français au sein du géant allemand ! 

La particularité d’Airbus, qui a fait son succès pour notre pays, était son co-contrôle par la France et l’Allemagne. Aujourd’hui encore, nous détenons une participation légèrement supérieure aux Allemands dans le champion aéronautique européen. 

Il n’en sera rien dans l’adossement d’Alstom que les pouvoirs publics français négocient avec les dirigeants de Siemens. Le contrôle du groupe sera clairement dans les mains du leader allemand. Le fait que l’entité combinée soit initialement dirigée par un Français ne doit pas faire illusion. À l’exemple de ce qui s’est passé avec Lafarge, cette concession ne sera que transitoire et la nature reprendra vite ses droits… 

C’est donc l’enterrement d’Alstom que le gouvernement français est en train de préparer après ceux d’Alcatel, de Lafarge, de Rhodia, d’Arcelor, de Pechiney et de bien d’autres. 

Nous ne devons pas être naïfs. S’il peut y avoir un grand mérite à constituer de solides champions industriels européens, ces opérations ne seront favorables à l’économie nationale que si nous y mettons pour condition d’en garder ou d’en partager le contrôle. À défaut, les sièges sociaux, puis les usines déserteront progressivement notre territoire pour gagner celui de l’acquéreur. 

La France mérite mieux qu’un nouvel échec industriel dans le secteur stratégique du ferroviaire. C’est la responsabilité de l’exécutif, au moment où il organise avec force communication des Assises de la mobilité, de ne pas en brader une composante essentielle ! 

Pour mettre un terme à la déroute industrielle française, il y a urgence à définir et mettre en œuvre une nouvelle stratégie industrielle gagnante. Elle devra pour cela répondre à trois principes essentiels  

1) Etre sélective et reposer sur des priorités stratégiques claires 

Malgré ses forces, notre pays n’a pas la capacité d’être le champion de toutes les industries. C’est aussi parce que nous continuons trop souvent à éparpiller nos moyens que nous enchainons échec sur échec. 

Pour redevenir efficaces, nous devons concentrer les moyens nationaux sur les secteurs qui sont prioritaires pour la souveraineté nationale, pour lesquels nous détenons des atouts et des compétences fortes ou qui apparaissent décisifs pour l’avenir. 

Dans cette perspective, les industries de l’aéronautique, de l’agro-alimentaire, de la défense, de l’énergie, des matériaux et de l’efficacité énergétique, de la mobilité, du numérique ou de la logistique devront en particulier être privilégiées. 

2) Être cohérente   

Pas de succès sans cohérence. Il est pour le moins paradoxal, pour ne pas dire improductif, de pousser au développement du transport par autocar tout en prétendant défendre l’industrie ferroviaire et une véritable ambition pour le climat ! 

Pour retrouver le succès, nous devons appuyer le développement d’industries servant les priorités du pays, aligner l’ensemble de nos forces, utiliser le réseau que constituent ensemble petites et grandes entreprises, administrations et autres ressources publiques et faire confiance aux initiatives de terrain. 

3) Etre financée et mobiliser des capitaux à la hauteur des ambitions annoncées  

Les dirigeants politiques et administratifs nationaux sont prompts à dénoncer le manque de capitaux privés dont manquerait notre industrie. La première responsabilité est à chercher au niveau de l’Etat, dont la politique fiscale a jusqu’à présent plus été guidée par des objectifs de communication égalitaire que par le souci de favoriser l’esprit’ le développement et la transmission d’entreprise.  

Mais la puissance publique s’est aussi montrée piètre actionnaire et mauvais investisseur en ne donnant pas aux entreprises, qu’il prétendait soutenir, les capitaux nécessaires. Faute de gestion responsable des finances publiques, l’Etat se révèle trop souvent incapable de dégager les resources indispensables. EDF, Areva, la SNCF ou Alstom sont autant d’exemples de sociétés qui auraient dû faire l’objet de recapitalisations massives afin de leur donner un avenir.  

Il n’y a pas de fatalité à la déroute industrielle française. Encore faut-il prendre les moyens du succès. C’est parce que nous choisirons enfin de mener une politique sélective, cohérente et financée que nous renouerons avec lui et porterons haut les couleurs de l’industrie de la France et de l’Europe. 

 

lfm_2016